Chine: Hors limites
En passant en Chine, nous avons mis le pied dans la grande Asie. Le désert du sud de la Mongolie fait une frontière culturelle que nous avons passée en compagnie d’un couple de Mongols dans la cinquantaine pleins d’entrain et appréciant les papouilles pour passer le temps..
(Image ci-dessus: La vallée de la rivière Nujiang - "Rivière en furie" en chinois, qui longe la frontière avec la Birmanie au sud-ouest du pays - abrite pas moins de la moitié des espèces protégées de Chine.)
L'intérieur d'une des rares maisons traditionnelles - ici transformée en restaurant - à Kunming
La force et la puissance de la Chine s’expriment clairement à travers la quantité de chantiers en cours. Dans les métropoles, tout se vend et tout s’achète dans un déluge de bannières électriques, de fumées, d’explosions, de bruit. Les grands noms du luxe sont plus visibles et présents dans une ville de province comme Kunming, Yunnan, qu’à Genève ou Zurich. Telle les très grands pays, la Chine peut se permettre la démesure. Mais, à l’inverse de ceux de l’Occident, elle jouit d’un coût de la vie encore faible, d’une population jeune, et, surtout, d’une régence étatique structurée, volontaire, efficace. Cela fait une différence.
De plus de mille ans d'âge, le Monastère suspendu s'agrippe toujours sans ciller à sa paroi.
Nous sommes arrivés en Chine par le nord, dans la ville minière de Datong. L’exploitation du charbon serait, semble-t-il, à l’origine d’une désertification de la zone. Ce qui provoquerait des tempêtes de sable au printemps qui se déplacent jusqu’à Pékin. Egalement capitale de la chaussette, une paire sur trois au niveau mondial y est fabriquée, Datong joue toutefois des charmes d’une ville de province à l’écart des flux de touristes. Elle possède surtout dans ses alentours quelques rares sites historiques originaux tel un temple adossé à une falaise de plus de 1000 ans d’âge – le Temple suspendu -, une pagode, la plus vieille du pays (900 ans) à Muta, ou encore une succession de 252 grottes dans lesquelles ont été sculptés plus de 51'000 bouddhas différents entre 460 et 525, un site d’ailleurs inscrit au patrimoine de l’UNESCO. Ces visites auront été la partie la plus authentique de notre passage en Chine.
La reconstruction de l'histoire, l'un des projets majeurs du gouvernement aujourd'hui.
Car à Pékin, mais comme ailleurs dans le pays, la plupart des monuments historiques ont été détruits. Et l’on doit à une volonté du gouvernement de développer le tourisme interne la reconstruction de nombreux édifices. Les efforts développés pour retisser une histoire à travers des bâtiments, exprime là encore le potentiel chinois. Les chantiers – toujours – pullulent, les nouveaux temples étincellent de leurs couleurs toutes fraîches. Difficile pour nous d’y croire, mais les Chinois y sont sensibles et parcourent le pays en tous sens pour le découvrir et visiter ces lieux.
Doit-on à la Chine l'invention des pâtes, et du vélo? La petite reine continue de régner sur Pékin.
Les moments pékinois les plus étonnants auront été, sans aucun doute, la ballade au petit matin au Temple du Paradis. Vaste étendue de verdure au centre de la ville, il accueille des centaines de personnes venus faire de l'exercice, dont certains sports des plus surprenants. Techno danse pour personnes âgées, maniement du fouet - oui, faire claquer un fouet, pratique également par des paraplégiques -, lancer de sac de sable - les femmes en sont, comme pour tous ces "sports" -, diabolo musical - authentique, en tournant il créé un bourdonnement -, ou encore jonglage avec un poids de 10 ou 15 kg, à choix, doté d'une poignée (dès que youtube est à nouveau accessible, on inclut des vidéos).
Yannick et le diabolo sonore
La Cité interdite, les hutongs et quelques piquants hot pots derrière nous, nous filons en train pour Kunming, capitale de la province du Yunnan, au sud-ouest du pays. Par chance, nous obtiendrons un surclassement pour une couchette à l’arrivée dans le train. Car nous n’avions que des places assises. Pour 40 heures de trajet, la ballade s’annonçait rock’n’roll. Nos lits sont juste à côté des toilettes, une bonne occasion de se frotter à la culture du crachat guttural et sonore, aux sons aussi étranges que peu ragoûtant, à la confusion entre une poubelle et une toilette pour une maman qui y fait faire pipi à sa petite en la portant.
Le bus-couchette pour voyages nocturnes, une invention formidable découverte en Chine. Mais, quand cela tourne mal, du Vicks est précieux pour éliminer les odeurs de pieds, des boules Quiès indispensables pour éviter les discussions à très haute voix qui surgissent au milieu de la nuit, même d'un seul passager, et un bandeau sur les yeux pour ne pas subir les nombreuses illuminations au néon de tout le bus au milieu de la nuit.
Au sud, jouissant d’un climat plus tempéré, Kunming est moins peuplée, moins polluée et plus détendue que la capitale. On y découvre un marché aux pierres et aux oiseaux riche de cris divers, piaillements, de jade et autres gemmes polies ou à l’état brut. La communication pour négocier reste un challenge. Car même au niveau du langage des gestes, les Chinois ont une autre approche. Et partout, tout le temps, ils fument.
A cause des fortes pluies, la rivière Nujiang porte parfaitement son nom. Des vagues de deux mètres avec écume et rouleaux sont fréquents sur son tracé. Les habitants de la vallée en profitent pour y pêcher leur bois pour l'hiver.
Des nuages de tabac – dont on dit que celui du Yunnan est particulièrement bon – qui n’estomperont jamais les délices des plats locaux. Partout où nous sommes passés, et jusque dans les plus petits bouis-bouis de rue, les plats que nous avons mangés étaient savoureux, voire succulents. La culture du ventre a cela de sacré qu’avec quelques épices, une science de la cuisson au wok ou à la vapeur, des bols ou assiettes bariolés, peu ou très relevés, débarquent sur la petite table basse.
Chaque commande au restaurant est une loterie et il faut aller vite car c'est souvent la cohue. Mais le résultat en vaut la peine.