Boum-Boum Indonesia (2ème partie)

Publié le par 3643eur

Indonesie, la suite, et la fin>

 

Après une longue attente sur une plage déserte - dans une vivifiante brise nocturne -, nous avons donc embarqué sur le bel Embaku, un navire traditionnel de 21 mètres en bois brut aménagé pour la plongée. Notre programme était simple : caboter entre la mer de Flores et l’océan Indien en se faufilant dans le jardin d’îles que forme l’isthme de Labuan Bajo/Komodo/Rinca.

 

1.jpgL'Embaku a l'ancre dans la baie de Rinca


A table !

 

Que dire des conditions de vie à bord ? Le cuistot et ses aides passaient la majeure partie de la journée derrière les fourneaux. Jamais nous n’aurons autant mangé. Par jour, 5 énormes repas, bourrés d’énergie sous forme de bananes frites, de riz frit et de poulet frit pour nous assurer un palmage tonique entre les 12 et 30 mètres de profondeur ou nous allions aller nous promener. Au total, nous étions deux couples à bord, et neuf membres d’équipage – l’Embaku est prévu pour 10 passagers, mais les réservations n’ont pas suivi. Un ratio génial pour une ambiance à bord tout à fait cool et confortable. Par conséquent, chaque couple avait sa cabine, et, presque, sa salle de bain. Voilà comment se mettre en bonnes conditions pour aller déambuler en costume de Batman dans des fonds marins considérés parmi les plus beaux au monde.


Cousteau nous l’avait montré, mais se ballader dans des jardins sous-marins d’une telle richesse et d’une telle beauté vaut les plus belles œuvresd’art. Le snorkeling à lui seul offre déjà des moments forts, mais avec bouteille et détendeur, le temps se dilate. Bien sûr, il y a les récifs de coraux, durs et mous, avec toutes les variations de tons possibles. Là au milieu, grouillent des bancs de poissons bariolés, de tailles différentes. Et au milieu de ce nuage coloré, déambulent nonchalamment quelques costauds comme des requins de récifs, des tortues.

 

2.jpgCascade de 24 metres en pleine jungle pres de Riung (la temperature de l'eau parfaite)


Curieuses raies mantas

 

Le rythme de croisière était fixé à 4 plongées quotidiennes, toutes très différentes. On a survolé les profondeurs des abysses, les à-pics sous-marins, les fonds plats, et même des parcs d’attractions où le courant nous transportait sans effort par-dessus ces vallées surréalistes.


La tête donc loin de tout, nous plongeons un matin sur une zone aride tannée par un courant puissant. Pour rester à un même endroit, il fallait débusquer son bout de cailloux assez gros pour retenir le poids de son corps et croire en la force...de ses phalanges. Pas très à l’aise dans cette lessiveuse à grande vitesse, elle nous a pourtant réservé le moment le plus magique de notre virée indonésienne (et même au- delà.) Venues de nulle part, des raies mantas ont interrompues leur course pour venir nous observer. Curieuses, et ayant inversé les rôles, ces monuments des mers volaient autour de nous, qui nous cramponnions de toutes nos forces à ces minables cailloux pour ne pas déranger ce spectacle invraisemblable. De fait, nous nous trouvions à quelques mètres d’une « station de nettoyage », soit un petit récif de corail ou vivent les poissons en charge de toiletter les raies quand celles-ci passent au dessus.


Au total, l’expérience aura duré plus d’une demi-heure, cinq minutes pour nous. Et nous en aurons vu 9, dont une immense et rare manta noire. Certaines nous planaient d’ailleurs si près, que l’une d’elles m’a frôlé la tête, une que je n’avais pas vue venir. Là, petit haut le cœur de surprise, j’avoue. Bref, imaginez que vous aimiez la danse, et qu’au lieu d’assister à la représentation depuis la salle, vous vous trouviez, invisible, au milieu de la scène. Mieux non ?

 

3Deux lacs du Kelimutu

 

Des lacets et des bosses

 

De retour à Labuan Bajo, nous décidons de traverser Flores. Montagneuse et accidentée, l’île est traversée de routes aussi tortueuses qu’un esprit surréaliste. Les virées en Bemos durent donc des heures et, comme toujours, c’est sur le toit qu’on est le mieux. Au fil des kilomètres de jungle, nous passons par Bawaja. Dans un coin de forêt, lors d’une excursion pour aller visiter des villages traditionnels, on nous emmène dans les sources d’eau chaude les plus exquises qui soit. En effet, deux rivières, l’une d’eau froide, l’autre d’eaux chaude se rejoignent à cet endroit en formant une piscine naturelle. On choisit donc la température en se déplaçant dans le bassin. Très fort.

Moins fort dans ce cas sera le prix inconcevable qu’on aura accepté de payer dans un moment de fatigue et de faiblesse, même s’il paraîtrait dérisoire en Suisse. Dans les pays où l’on marchande, la garde, surtout en tant que touriste, ne peut jamais être relâchée, au risque de se faire proprement plumer. Rien d’affolant, mais c’est toujours désagréable.

 

4.jpgUn Bemo redoutable ou le tuning reinvente


Cascade magique

 

Suit une halte paradisiaque à Riung dans le premier hôtel vraiment propre et agréable de Florès. Nous renonçons à la visite des réputées 17 Islands, pour cause d’arnaque touristique, justement. Nous explorons plutôt des cascades voisines en scooter, à plusieurs étages et bassins. Au fil des siècles l’eau de source a pétrifié racines et arbres. L’endroit dégage sa propre magie, dans laquelle nous nous baignons.

 

La prochaine halte a lieu dans le joli village de Moni, au pied du volcan Kelimutu. Le cratère du Kelimutu est connu pour contenir trois grands lacs dont la couleur varie du brun-vert au rouge vif en passant par le turquoise et le bleu suivant la réactions des éléments chimiques du volcan avec la pluie. Nous contemplerons un beau bleu-turquoise, juste avant que les nuages ne s’installent, pour ne plus bouger. En descendant, je fais ma BA pour tourisme local. Le Kelimutu est fort connu, y compris auprès des Indonésien. La route qui y conduit a donc été spécialement équipée de miroirs « fish-eye » dans les virages à faible visibilité. Seulement voilà, les ouvriers qui les avaient installés, peu habitués à ce genre de signalisation semble-t-il, avaient laissé le film plastique qui protégeait les miroirs, et les rendait flou. On s’est donc amusé à les ôter au fur et à mesure que l’on descendait. Merci à l’Opinel deluxe de Clo et FLo ! Et là, quels reflets, quels profils !

 

5.jpgDepuis la double source, l'une d'eau chaude, l'autre d'eau fraiche.


Pêcher la baleine mains-nues

 

Toujours plus à l’est, le temps ralentit, les relations avec les locaux se font plus sincères, moins intéressées du moins. Nous passons bientôt Maumere, un port de pêche qui grandit d’autant plus vite que des hommes d’affaires coréens et chinois s’y installent pour exploiter les eaux environnantes. Le but de la mission, dans cette partie reculée de l’île, est de se rendre au village de Lamamera, là où l’on pêche la baleine à mains-nues. Nous parvenons après avoir crapahuté dans une autre île, petite certes mais plus sauvage, dans une camionnette flanquée de banquettes en métal. A l’intérieur, un moteur d’appoint de 180kg qui glisse sur le sol au freinage, 200 litres de benzine amarrés à la sauvette, la famille Lécher de Pau avec Lionel, Natalia, Léa et Elise, leur deux filles ado, Alè’ et Francesca de Milan, et Sergio, Rupa et Alfredo d’Espagne et du Népal. Seuls touristes, nous avons tous la même destination et on fait vite connaissance en s’annonçant les branches qui fouettent la carrosserie et en gérant les chaos. Nous vivrons ensemble trois jours durant en logeant chez la même adorable grand-maman. Posée sur une colline, sa maison dominait la plage d’où les bateaux partaient et revenaient de la pêche.

Qu’ont à faire ensemble un photographe d’art contemporain, sa copine neurologue, deux communicants horlogers, un prof d’uni dans le tourisme, un représentant de la croix-rouge espagnole, une ex banquière, un prof et une ingénieure en système informatiques et deux lycéennes ? Aucune idée, mais cela a marché avec ballades et sessions plages, exploration de grottes à chauves-souris géantes, présence aux cérémonies de la fête nationale, mais surtout, découverte du retour de la pêche.

Les pêcheurs de Lamamera sont courageux. Ils partent vers 17h et reviennent au petit matin après avoir passé la nuit en haute mer sur des barques à moteur de 12 mètres. Quand ils le peuvent, ils chassent la baleine qui passerait dans les environs à l’aide d’un bambou qu’un homme enfonce dans l’animal en lui sautant dessus depuis une échelle bricolée à l’avant d’une barque. Sinon, ils relèvent leurs filets au matin et ramènent le tout sur la plage où ils dépècent leurs prises. La vision de ces, mêmes, raies mantas découpées en pièces à la machette, de requins de 3 mètres étêtés et fendus en deux à même le sable noue les tripes à première vue. Pourtant, rien de plus naturel, et de traditionnel pour une communauté isolée et pour beaucoup autosuffisante. Yannick a toutefois tiré une petite réflexion sur le sujet à lire sur son blog WWW.YANNICKONTHEROCKS.COM

 

Lamarera aura été un coin perdu, hors des circuits, et singulier qui nous laisse un souvenir intense. Que penser, aussi, des vertèbres de baleines qu’on empile à l’entrée des maisons pour former des colonnes, ou qu’un utilise comme dessous de pots à fleurs ?

 

6.jpgAu petit matin, les hommes du village viennent sur la plage guetter le retour des pecheurs


Grillé à la vapeur ?

 

Le départ du retour a lieu à 2h30 du matin pour être en mesure d’attraper le ferry de l’autre côté de l’île.  En pleine nuit, une camionnette vrombissante de basses et chargée de deux motos au milieu du passage et d’une multitude de villageois cahote donc dans la nuit. Au total près de 20h de trajet avant d’arriver à une trentaine de kilomètres de Maumere, dans un petit bungalow posé sous les cocotiers face au coucher de soleil. Le Sunset Cottage est une pension simple mais la nourriture  y est fabuleuse. On ne se gêne pas, nous qui commencions à compter nos côtes, magiquement apparues depuis peu. Alè’ et Francesca étaient du voyage eux aussi et nous décidons le lendemain d’escalader un volcan.

Au début de la montée, un feu de forêt a fait disparaître le chemin. On suit des pistes, des traces, et on remet le pied sur le sentier quelques centaines de mètres plus haut. Il fait une chaleur dingue et Alè s’arrête en route, agrippé à un rocher, car le chemin se fait trop vertigineux pour lui. Après un petit tour dans le cratère à écouter les jets de vapeur et à se prendre pour un djedi dans le désert, je rejoins Yannick restée sur le bord. Un peu inquiète, elle m’avait confondu de loin avec un rocher à forme humaine, et pensait qu’un jet de vapeur m’avait grillé. Réunis dans les vapeurs de soufre, nous redescendons.


Sur la route se trouve une autre source d’eau chaude sur le même système que la précédente, quoiqu’un peu moins performante – début d’eau chaude trop faiblichon. Par contre, la végétation qui l’entoure déborde d’énergie avec d’énormes arbres aux troncs compliqués, des feuilles, des lianes, des branches partout, et tous les bruits sauvages qui vont avec.

 

7.jpgLa decoupe du poisson

 

Pèlerinage post Ramadan

 

Notre départ d’Indonésie se fera par étapes. En fait, nous faisons l’expérience de nous déplacer en plein pendant les deux semaines de vacances officielles, consécutives à la fin du Ramadan. Résultat, comme en Chine, des trains pris d’assaut, des avions qui le sont tout autant. On ruse, on excave le web, on tente notre chance et, bout par bout, ville après ville, on rejoint Jakarta. Sur la route, nous nous arrêtons visiter le temps de Borobudur. Le site est superbe, et bondé, vacances obligent. Mitraillés en photo pour nos têtes d’étrangers, nous apparaissons probablement sur une bonne centaine de pages Facebook d’adolescents indonésiens.

 

06.-Indonesia-Flores---Java 4874The Lady Gaga horse, magique


Dans les environs de Bandung, on remet les pieds sur un volcan avec cette fois un œuf cru avec nous. On le fait cuire dans une marmite  naturelle, la coquille se fendille, on mange un œuf au soufre. C’est pas génial mais décalé. Nous croisons aussi le cheval « Lady Gaga » - authentique -, une bête courageuse puisqu’elle assume une crinière teinte en rose fluo et des yeux bleus clairs – lentilles ? Opération ? Le doute est immense.

 

8.jpg

 

Petit univers en soi, l’Indonésie s’étale sur tellement d’îles qu’il n’a pas de véritable centre géographique, pas d’unité culturelle forte, ce qui le rend d’autant plus riche et intéressantes. Il y a, en effet, énormément à y découvrir. On est bienheureux d’y avoir, un peu, dégrossi notre surf, profité de sable et d’eaux turquoise à perte de vue. Et de vivre sur un tempo particulièrement lent et aléatoire. Bref, après deux mois bienheureux, nous étions parés à nous fondre dans la culture japonaise!

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